Le travail d'éditeur de partitions
Depuis l'émergence d'Internet, de nombreux éditeurs ont vu le jour : le web facilite évidemment la diffusion, mais la multiplication des acteurs dilue grandement la visibilité de chacun. Alors, au juste, que fait un éditeur musical ? Nous allons essayer d'apporter ici quelques réponses à cette question, qui seront naturellement subjectives, mais c'est du moins la vision de l'édition que nous avons chez Scriptendo.
I. Sélection
L'œuvre et son auteur
Comme souvent, la qualité d'un travail dépend d'une sélection à la fois éclairée, juste et rigoureuse. Il s'agit tout d'abord de sélectionner des compositions ou des arrangements qui correspondent à plusieurs critères essentiels :
- l'œuvre doit correspondre à la ligne éditoriale de la maison d'édition, ou proposer un addendum crédible à celle-ci
- l'œuvre doit être novatrice, ou étonnante, ou inattendue, ou encore tout cela à la fois
- et, point le plus subjectif de l'affaire, l'œuvre doit nous plaire !
Sélectionner, c'est donc choisir une musique à la place d'une autre, un compositeur à la place d'un autre : cela ne représente d'ailleurs pas nécessairement un jugement de valeur sur la qualité intrinsèque du travail proposé à l'éditeur, mais bien d'un choix fait à la lumière de critères précis.
Le rapport humain existant entre l'auteur et l'éditeur doit aussi entrer en ligne de compte : ces deux-là sont amenés à se voir et s'écouter souvent, il faut donc que l'entente règne.
Le risque financier
Scriptendo n'est pas une maison d'édition à compte d'auteur : nous ne demandons pas d'argent aux auteurs que nous publions, nous ne faisons pas de cagnotte en ligne pour réunir des fonds, ni n'attendons qu'un certain seuil de commandes soit effectué avant de publier. Nous sommes éditeurs, et lorsque nous misons sur un auteur et son œuvre, nous le faisons avec sincérité, car nous croyons en la qualité artistique de ce que nous publions.
Ce faisant, nous prenons un risque financier en publiant une œuvre, et c'est pourquoi nous devons effectuer une sélection, qui nous permet d'assurer plusieurs points indispensables à la survie de notre activité :
- une juste rémunération des auteurs
- une juste rémunération de notre propre travail
- une juste rémunération de l'imprimeur, artisan local et impliqué dans le processus
- un prix raisonnable pour l'acheteur
Les arrangements
Lorsqu'il s'agit d'un arrangement d'œuvre existante, et que l'œuvre en question n'est pas tombée dans le domaine public, de longues tractations sont parfois nécessaire pour obtenir l'accord des ayants droit. Cela prend en compte de nombreux facteurs sur lesquels nous n'avons pas d'emprise : délai de réponse, nombre d'ayants droit, contrats préalables d'édition signés par le compositeur avec une autre maison d'édition, pourcentage de rémunération…
Si les ayants droit donnent leur accord, il convient en outre de négocier les conditions de rémunération de ces derniers, ou de la maison de production concernée. Il n'en va pas de même pour les revendeurs (libraires, qui ne produisent pas de partition), et dont les prix incluent déjà cette rémunération. Bref, c'est un travail long et fastidieux, en particulier lorsque les ayants droit sont nombreux et hors de France.
II. Réalisation
Nous tenons à produire des partitions soignées. Aussi, une grande place est réservée à la réalisation des livres et livrets que nous éditons.
La maquette
Nous souhaitons produire des documents clairs, lisibles et agréables. Pour ce faire, nous portons un soin particulier à la conception de la maquette, en utilisant une sobriété de forme :
- couleur unie pour la page de garde (couleur variable mais sobre), police d'écriture blanche
- pages intérieures blanches, impression noire : outre la lisibilité, ce choix permet de diminuer les coûts de production, autant financiers qu'écologiques
- police d'écriture pour tout le document : Georgia (empattement des caractères facilitant la lecture)
- repères de répétition : lettres [A, B, C, …] lorsque pertinents, mais également numéros de mesures en débuts de systèmes
- conducteur relié, et parties séparées insérées dans le document, de façon à ne pas dépasser de la couverture et être protégées
- éventuelle rédaction d'un 4ème de couverture, d'ajouts bibliographiques, organologiques et musicologiques
La mise en page
Afin d'assurer la meilleure lisibilité possible, nous tenons compte de plusieurs points importants :
- les tournes : tous les musiciens le savent, une tourne malencontreuse peut se révéler très gênante. Nous prenons donc un soin tout particulier à éviter au maximum les tournes de page gênantes (ce qui peut occasionner quelques heures de brainstorming !)
- signes et indications : partant du principe que l'interprète doit disposer d'une certaine liberté, nous utilisons de façon raisonnable le phrasé, les nuances et autres indications techniques ou de caractère.
- la taille des notes et caractères : si les conducteurs sont naturellement amenés à être écrits dans des tailles plus réduites, les parties séparées sont écrites sur une portée allant de 6,5 à 7 millimètres de haut. C'est, d'expérience, une taille permettant une lecture agréable pour la majorité des musiciens.
La portée de 7 millimètres est un choix qui, au passage, ne repose pas que sur un constat empirique, mais bien sur une réalité historique de l'impression : Robert Granjon, libraire, imprimeur et graveur de caractères en plomb du XVIème siècle, créa en 1565 un caractère musical correspondant à une portée de 7 millimètres de haut, qui convenait parfaitement à l'édition de formats très variés. Cela fit son succès et sa fortune en un temps record dans de nombreux pays européens, et ses caractères furent employés pendant plus de deux siècles.
L'impression & le façonnage
Nous travaillons avec l'imprimerie Le Point d'Impression, située à la Chapelle Basse Mer (44), le plus localement possible. Ce point précis fera l'objet d'un article séparé.
III. Diffusion
Il reste enfin la diffusion des partitions. Celle-ci se fait selon deux vecteurs principaux :
- La diffusion commerciale : par l'intermédiaire de la vente en ligne, ici même, ou vers des librairies musicales (physiques ou sur le web).
- La diffusion artistique : faire connaître une œuvre et son auteur, c'est à notre sens plus que vendre des partitions. C'est s'assurer qu'il pourra bénéficier d'une visibilité dans les conservatoires et écoles de musique, auprès des orchestres et groupes (amateurs comme professionnels). C'est donc tisser des liens avec tous ceux qui seront susceptibles d'être intéressés par notre travail.
En outre, nous avons opté pour la production de documents polyvalents, en privilégiant la possibilité d'une interprétation par plusieurs instruments différents (en particulier pour la musique de chambre), dont voici quelques exemples :
- quatuor de saxophones / quatuor de clarinettes
- clarinette basse / basson / saxophone baryton / violoncelle
- hautbois / clarinette / flûte traversière / saxophone alto ou soprano
- chœur à voix égales (S-MS-A / T-Bar-B par exemple)
C'est un choix qui peut dans certains cas sembler incongru, mais qui répond à deux idées directrices :
- une optimisation des contenus, et donc des coûts de production, pour maintenir un prix d'achat raisonnable face aux éditions internationales à très gros volumes de production
- une possibilité pour les établissements d'enseignement (et les interprètes) d'avoir plus de choix
Quoiqu'il en soit, cette polyvalence ne se fait jamais à l'encontre des choix musicaux des compositeurs, ni sans une pertinence musicale et artistique argumentée : nous sommes conscients que le choix d'un timbre plutôt que d'un autre n'est pas vain, et c'est ici que la relation éditeur-auteur prend tout son sens !
Dernière mise à jour de cette page : 10/08/2021